histoire de la relation SIAM-FRANCE

1. Présence française dans le royaume de Siam

1En 1985, la France et le royaume de Thaïlande ont célébré le tricentenaire de leurs relations diplomatiques, ouvertes à l’époque de Louis XIV et du roi Naraï. Ainsi, la présence de la langue française en Thaïlande ne date pas d’hier. Au XVIIe siècle déjà, des responsables du royaume de Siam avaient fait l’effort d’apprendre le français pour mieux communiquer avec les envoyés du roi français.

2Cette esquisse historique des premières relations diplomatiques à la fin du XVIIe siècle a pour but de mettre en valeur les profonds liens entre ces deux nations et leur coopération bilatéralement développée tout au long des 338 années (1662-2001), en particulier dans la promotion de la langue de Voltaire dans le pays des Thaïs.

1.1. Relations diplomatiques franco-thaïes

  • 1 Réf.: The Greek Favorite of The King of Siam (1976).

3Les rapports diplomatiques et commerciaux entre la France et la Thaïlande débutèrent à l’époque du roi Naraï du Siam (1666-1688) et du roi de France Louis XIV (1643-1715). Au royaume d’Ayutthaya (ancienne capitale du Siam), l’année 1662 vit l’arrivée de la première équipe de missionnaires jésuites français, dirigée par Mgr de la Motte Lambert et l’évêque de Berytus, et chargée de deux lettres pour le roi du Siam dont l’une de Louis XIV et l’autre du pape Clément IX. Conscient du dessein de Louis XIV de convertir le souverain au catholicisme, le Siam réserva pourtant un accueil privilégié aux représentants de la Cour française. Quant au roi Naraï, il accorda aux jésuites français des terres où ils édifièrent des écoles et des églises.

4Ces jésuites jouèrent un rôle déterminant dans les relations franco-siamoises. Sept ans après leur débarquement au Siam, une relation d’ordre diplomatique entre les deux pays se renforçait en 1680, quand le premier diplomate thaïlandais Phya Pipatkosa embarqua pour la France dans l’objectif d’établir des liens d’amitié avec la cour française; il sombra en mer en 1681.

5Sur le plan commercial, Louis XIV sollicita la protection du roi Naraï pour les marchands français en envoyant une petite mission commerciale en 1682, en relation avec la Compagnie française des Indes orientales, qui avait ouvert en 1681 son premier comptoir sur les rives de la Ménam Chao Praya, non loin de Bangkok.

6Désireux de nouer des contacts avec les Français, le roi Naraï envoya en 1684 à Paris une deuxième ambassade siamoise, sous la direction de Khun Pijaiwanit et Khun Pijitmaitri, pour demander l’envoi d’une mission diplomatique française à Ayutthaya et la signature d’un traité d’alliance.

7Selon la volonté du roi de France de convertir le roi Naraï et son peuple au catholicisme, l’ambassadeur français (le chevalier de Chaumont) accompagné de l’abbé de Choisy arriva au Siam en 1685 avec deux bateaux de guerre. De son côté, le Siam profita du retour de cette mission à Paris en 1686 pour envoyer une délégation thaïe conduite par Phraya Kosathibodi (Pan).

XVIIe siecle…

8Le XVIIe siècle représenta l’ouverture de la Thaïlande sur l’éducation et le commerce avec l’extérieur. Le français, langue d’élite, fut introduit pour la première fois à la cour royale thaïe et devint une langue étrangère largement utilisée dans le cadre du commerce et de la politique. En 1687 une seconde ambassade française arriva au Siam, et plusieurs événements eurent lieu cette année-là. Le début de 1687 vit le stationnement des troupes françaises à Bangkok contre les ambitions anglaises et hollandaises ; suivit la création d’une base militaire française sur la côte est de la baie du Bengale afin de favoriser le commerce franco-thaï. Celle-ci fut complétée par deux autres débarquements à Ayutthaya : l’un de Claude Cébéret du Boullay, le directeur de la Compagnie française des Indes orientales, et l’autre de Simon de la Loubère. Une mission débarqua ensuite au Siam, comprenant six cent trente-six soldats, des diplomates et des jésuites transportés dans des bateaux de guerre. En décembre, la France et le Siam conclurent un traité commercial, qui garantissait essentiellement des privilèges et des facilités commerciales surtout en ce qui concerne l’extraterritorialité des employés français, le monopole de l’étain à Phuket et la possession des îles près d’Ayutthaya.

9Au fil de leur installation, les Français établis dans le royaume entrèrent en conflit et se divisèrent en différentes factions. La mort de Naraï, en 1688, entraîna le retour au pouvoir des conservateurs, qui expulsèrent les Européens. En raison de l’appréhension ressentie à l’égard de la christianisation et du mécontentement vis-à-vis des comportements des missionnaires français, un sentiment antifrançais se répandit à la cour du nouveau souverain. Suite à une réaction de la nouvelle équipe dirigeante contre la politique profrançaise du régime précédent, les Français durent s’embarquer précipitamment. Quelques jours après la signature du traité de commerce, Cébéret quitta Ayutthaya et La Loubère, qui dut écrire un livre sur les relations historiques avec le Siam, repartit dans des circonstances peu agréables le 3 janvier 1688. Le Siam se ferma à l’Occident pendant deux siècles dès 1688, la fin du règne de Naraï.

A partir du XIXe siecle…

10Au XIXe siècle, les interventions de l’Occident en Indochine placèrent le Siam dans une situation difficile dès le règne de Rama III (1824-1851). Le renouvellement des relations diplomatiques entre la France et la Thaïlande se réalisa, sous le règne de Napoléon III (1852-1870) et du roi Mongkut (ou Rama IV 1851-1868). La réinstallation de l’Ambassade de France, la construction d’églises, d’écoles catholiques et la signature d’accords politiques et commerciaux s’effectuèrent en 1856. Avec l’avènement du roi Mongkut, doué d’un esprit encyclopédique et passionné d’astronomie, apparurent les prémices de la modernité. Ce roi promut à nouveau une politique d’échanges commerciaux et culturels avec l’Occident. Dès son arrivée au pouvoir, il établit des relations diplomatiques avec l’Europe et les États-Unis. Pendant le règne de ce monarque éclairé, les entraves au commerce furent levées, d’importants traités furent négociés et signés avec de nombreuses puissances européennes et les sciences modernes furent introduites. Le fait d’avoir été éduqué en anglais et en latin par des savants occidentaux a permis au Roi d’avoir la clairvoyance de comprendre en profondeur la culture occidentale. C’est à partir de cette période que commença la propagation des langues étrangères, parmi lesquelles l’anglais et le français, dans le territoire siamois.

11La politique de modernisation du pays se poursuivit sous le règne du roi Chulalongkorn (ou Rama V 1868-1910). Cette politique d’ouverture aux cultures occidentales comme aux relations extérieures permit paradoxalement au royaume de préserver son indépendance par rapport aux pouvoirs colonisateurs occidentaux.

12Cependant, l’augmentation de l’influence française en Indochine amena le Siam à abandonner à la France en 1887 sa souveraineté sur le sud-est du Tonkin. Après une série de négociations, le royaume fut contraint par la France à lui céder en 1893 la rive gauche du Mékong (une grande partie du Laos). 1907 fut l’année du traité de frontière franco-siamois selon lequel la Thaïlande renonça, au profit de la France, à ses droits sur les territoires riverains situés à l’ouest du Mékong (dans la province de Louang Prabang -le nord-ouest du Cambodge). Enfin, le nord de la Malaisie fut remis à la France en 1909. En échange de l’abandon par les Français de leurs privilèges d’extraterritorialité au Siam et de l’indépendance de certaines provinces frontalières siamoises, le Siam réussit ainsi à préserver son indépendance.

13Après de tels incidents et conflits entre les deux pays, liés aux intérêts coloniaux français, les nuages se dissipèrent.

1.2. Introduction & évolution du français dans le système éducatif thaï

14Au XVIIe siècle, le roi Narai, qui entretenait de bonnes relations avec le roi de France, donna le terrain du district Mahapran au Chao Phya Wijayen-dra (Constantine Phaulkon) pour y faire construire l’école de français appelée « le Collège Constantien ». Pendant cette période, deux personnes jouèrent un rôle très important : l’abbé de Tarchard et l’abbé de Choisi furent les deux premiers enseignants de français en Thaïlande (1672). Mais, les cours n’étaient dispensés qu’à la cour royale et cette initiative ne dura pas longtemps. L’enseignement du français en Thaïlande fut ensuite suspendu par peur de la colonisation et de 1’évangélisation de la part des Français. D’ailleurs, la nation était en guerre avec des pays voisins.

15Deux siècles plus tard sous le règne du roi Chulalongkorn (Rama V), le pays élabora des programmes d’enseignement destinés à un public plus large.

16Dès cette époque-là, le français fut officiellement reconnu au Siam comme branche scolaire. Historiquement, c’est le Révérend Père Colombert qui fonda la première école dispensant le français dans le Royaume thaï. La tentative de contrebalancer l’influence grandissante de l’anglais dans le royaume fut marquée par l’arrivée successive de missionnaires français. Partant d’une initiative à motifs politiques, cette école devint le collège de l’Assomption en 1885. Plus tard deux autres collèges, Saint-Gabriel et Saint-Paul, furent fondés par des prêtres catholiques ; le premier couvent Saint-Joseph s’ouvrit pour l’éducation des filles. Un autre objectif principal de ces écoles franco-thaïes au moment de leur fondation fut de convertir les Thaïlandais au christianisme.

17Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le français n’était pour les Thaïlandais qu’une langue de prestige réservée aux gens de la haute société. La formation en français n’avait pas de valeur utilitaire dans la vie pratique, mais elle était perçue comme un emblème de haute classe, un signe de supériorité. Ce jugement est encore en vigueur de nos jours. Cette langue a l’honneur insigne d’avoir toujours été appréciée à la Cour. Sa Majesté le Roi Rama IX parle français avec passion, ainsi que trois autres princesses. Son Altesse Royale la Reine Mère et sa fille aînée sont francophones, ayant appris le français en Suisse, tandis que Son Altesse Royale la Princesse Héritière, fille du roi, l’a étudié en Thaïlande.

18Au fur et à mesure que le temps passe, la pratique du français se répand de plus en plus parmi le public thaï. Au XXe siècle, le français a gagné en importance. Au début du siècle, il était une langue scientifique internationale choisie pour la rédaction d’informations historiques, pour les traductions de l’histoire artistique et archéologique du pays.

XXe siecle , le français se développe

19De manière à promouvoir plus largement le français actuel, en 1977, Son Altesse Royale la Princesse Galayani Vadhana Krom Luang Naradhi-was Rajanagrinda, sœur aînée de Sa Majesté le Roi Bhumipol Adulyadej, prit l’initiative de fonder l’Association thaïlandaise des professeurs de français. Le 25 novembre 1997, vingt ans après la création de l’A.T.P.F., S.A.R. la Princesse, présidente honoraire de cette association, reçut les insignes de commandeur de Tordre national du Mérite, en raison de son rôle éminent en faveur de l’enseignement du français en Thaïlande.

20La langue française a trouvé les faveurs d’un large public, qui la considère comme une langue de grande culture. Grâce aux liens étroits et anciens entre la France et la Thaïlande, l’image impressionnante de la langue française, la possibilité de l’apprendre et d’en poursuivre l’étude sur place jusqu’au doctorat placent le français en deuxième position derrière l’anglais. De ce fait, le ministère de l’Éducation nationale fait l’effort de promouvoir cette langue non seulement au niveau linguistique, mais aussi au niveau social.

  • 2 Source : Bureau de coopération linguistique et éducative, Lettre du BCLE, n° 6/mars 1997.

21Les repères chronologiques2 qui suivent ont pour but principal de permettre de mieux déterminer le développement du français depuis son introduction dans le milieu éducatif thaï jusqu’à aujourd’hui.

1893: Début officiel de l’enseignement du français en Thaïlande
1928: Introduction du français dans le programme d’études de l’université Chulalongkorn
1943: Étude du français en tant que matière principale, secondaire ou optionnelle
1946: Création d’une maîtrise de français à l’université Chulalongkorn
1955: Introduction officielle du français dans l’enseignement secondaire
1960: Le français comme matière à option au deuxième cycle du secondaire
1970: Ouverture de la première Alliance française à Bangkok 1972: Ouverture de l’Alliance française de Chiang Mai 1977: Fondation de l’Association thaïlandaise des professeurs de français (A.T.P.F.)
1988: Ouverture de l’Alliance française de Phuket
1989: Développement des cours de français du tourisme
1990: Français en option libre dans le secondaire
1991 : Introduction du français scientifique dans le système éducatif
1995: Ouverture du doctorat de langue et littérature françaises

https://journals.openedition.org/dhfles/2056

Mais depuis le développement du tourisme, la langue française passe au second plan et devient la 7e pratiquée apres l’anglais, le chinois, le japonais, le coréen,l’indien, le russe.