Au Vietnam, le delta du Mékong s’enfonce lentement sous la mer. En cause, la construction de barrages en amont, mais surtout l’extraction du sable, qui rend l’embouchure du fleuve de plus en plus inaccessible et basse.
En 2019 une forte sécheresse a été enregistrée, plus forte encore que celle de 2010 qui avait asséché la région du Yunnan si bien que les turbines du barrage de Jinghong ne pouvaient plus fonctionner.
Durant l’été, l’eau a atteint des niveaux jamais vus depuis 50 ans et les 11 barrages chinois répartis de part et d’autre du fleuve en sont les principaux responsables.
1/ monopole chinois
Pékin a déjà construit six barrages sur le cours supérieur du Mékong et investi dans plus de la moitié des 11 barrages prévus plus au sud.
Au début de mois de février, Bangkok a répondu aux protestations grandissantes en rejetant le projet de Pékin qui planifiait d’ouvrir une partie du Mékong dans le nord de la Thaïlande en dynamitant environ 90 kilomètres de rochers et en draguant le lit du fleuve.
La Chine visait à relier le Yunnan au commerce maritime en lui donnant accès au fleuve et aux cinq autres pays voisins du Mékong- la Thaïlande, le Myanmar, le Cambodge, le Vietnam et le Laos.
2/ Barrages sans controle
le mythique fleuve Mékong attise l’appétit de Pékin, qui veut en faire une voie fluviale stratégique, au grand dam des locaux et des
Les barrages représentent une grave menace pour l’habitat des poissons et perturbent les migrations et l’écoulement des principaux nutriments et sédiments, sans parler du déplacement de dizaines de milliers de personnes victimes d’inondations.
La batterie d’Asie du Sud-Est bientôt à plat?
Vientiane exporterait près de 95% de l’électricité produite par le barrage de Xayaburi à la Thaïlande. Si tous les projets de constructions sont réalisés, ils porteront la capacité hydroélectrique du pays enclavé à 27 000 MW, contre seulement 700 MW en 2005.
3/ Les décideurs politiques :
Ils ont oublié l’impact social de leurs décisions. Il faut plus de politiques énergétiques car les populations locales elles se sont déjà rendues compte de changements socio-climatiques »
Pou Sothirak, universitaire, ancien politicien cambodgien du CICP et ex ambassadeur au Japon :
Des barrages qui naissent, ce sont des poissons qui meurent !
Actuellement 10 barrages sont en projet ou en cours de construction au Laos, en Thaïlande et au Cambodge (plus une centaine d’infrastructures de moindre ampleur).
La carte des barrages sur le Mékong, et une estimation des conséquences environnementales. Source : Mekong River Commission et The Nation
La récente construction du barrage de Xayaburi avait déjà alerté les ONG et associations environnementales dénonçant un risque d’impacter directement la biodiversité et la biosphère en amont fleuve.
Longuement bloqué dans une bataille juridique, le projet a fini par voir le jour après que le promoteur du barrage, la société thaïlandaise CK Power, a affirmé avoir investi 600 millions de dollars pour atténuer les impacts négatifs de son projet sur l’environnement.
Plus récemment, c’est l’annonce de la construction d’un nouveau barrage près du village de Luang Prabang au Laos qui a alerté les défenseurs du Mékong.
Pour eux, il faudrait attendre d’évaluer l’impact du barrage de Xayaburi sur la pêche et l’agriculture avant de ne se lancer dans un nouveau projet hydroélectrique.
Nous avons pris plus de poissons il y a cinq ans, même pendant la saison sèche » a déclaré un pêcheur du village de Ban Sob Kok à Chiang Saen à BenarNews.
4/La pêche :
Pourquoi le Mékong vire au bleu turquoise ?
Les ONG et association écologistes ont alerté les autorités sur l’observation d’une eau anormalement bleu claire au lieu de ses teintes marrons habituelles.
Modifiant l’hydrologie naturelle du fleuve, les barrages ont progressivement provoqué l’érosion des sols et menacent aujourd’hui les populations de poissons et donc par extension également le commerce de la pêche qui est devenu la principale activité des locaux.
Le phénomène de « l’eau bleue claire » s’explique par un manque important de nutriments et de sédiments, vitaux pour la vie maritime du fleuve, et causé par les fluctuations incessantes des niveaux d’eau ainsi que le faible débit qui amène les sédiments à se déposer au fond de l’eau.
En février 2020, le Réseau des peuples thaïlandais ( Thai Mekong People’s Network ) issus des huit provinces du Mékong a soumis de nouvelles preuves à la Cour administrative thaïlandaise sur les dommages causés aux pêcheries et les changements dramatiques de l’écosystème du Mékong.
Ajouté à cela, les membres dur Réseau ont contesté la légitimité d’un accord d’achat d’énergie entre le Laos et la Thaïlande.
Les pêcheurs et les agriculteurs du nord de la Thaïlande ont longtemps dû faire face à des fluctuations sauvages du débit des rivières, la Chine stockant et libérant l’eau de ses barrages.
5/Géopolitique locale :
A ce jour la Chine contrôle 95% du fleuve. Aussi, aucun pays ne peut opposer son veto au projet d’une autre nation en vertu du traité du Mékong de 1995 signé par le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam.
« Lorsque la sécheresse s’installe, la Chine contrôle efficacement le débit du fleuve », Brian Eyler, directeur du programme Asie du Sud-Est au Stimson Center de Washington.
Un problème de communication avec la Chine qui ne communique pas ou très tardivement lorsqu’elle libère de l’eau de ces barrages. Cela provoque une montée des eaux soudaines pour les habitants qui ne s’y sont pas préparés. Les récoltes de pêche en sont les premières touchées puisque les pêcheurs ne peuvent pas prévoir l’afflux de poissons.
La Commission du Mékong pourrait être la solution à ce manquement de communication entre États. Simplement, elle ne comprend encore à ce jour que quatre des six pays du bassin. La Chine a, de son côté, crée sa propre organisation la Lancang Mekong Coopération. Aucune communication.
6/Géographie et conséquences :
Depuis le sommet des glaciers de tibétains, le Mékong traverse six pays d’Asie du Sud Est avant de se jeter dans la mer de Chine méridionale. Long de 4 350 km, il est le 12e plus long fleuve du monde
Le Mékong c’est aussi ses habitants qui vivent sur les berges. Agriculteurs à 80% (riz, pêche), le fleuve est leur principale ressource de subsistance mais également leur moyen de transport privilégié.
Certaines catastrophes environnementales s’étalent sur plusieurs années. D’autres surviennent avec fracas. Ou en soulevant des vagues. C’est ce qui s’est produit dans le luxuriant delta du #Mékong :https://www.courrierinternational.com/article/submersion-le-delta-du-mekong-est-menace-de-disparition?utm_medium=Social&utm_source=Twitter&Echobox=1581266352 …
En juin 2019, il a enregistré une nouvelle sécheresse faisant tomber l’eau à son niveau le plus bas depuis cent ans.
Dans un rapport publié en 2018, la Commission du Mékong (RMC) rendait compte d’une chute de 40% des quantités de poissons pêchés sur le fleuve et une baisse de 97 % de la quantité de sédiments en aval suite à la construction de nouveaux barrages hydrauliques.
En 2019, le lac du Tonlé Sap (Cambodge) voyait ses prises en termes de pêche chuter de 90 %.
Jusqu’à présent, au moins 500 000 tonnes de poissons étaient pris dans les filets annuellement soit plus que tous les fleuves et lacs d’Amérique du Nord réunis.
Mais à peine arrivée et aussitôt repartie, l’eau n’est pas restée assez longtemps en 2019 pour laisser le temps aux espèces de se reproduire et aux pêcheurs d’effectuer leurs rendements annuels.
Entre constructions frénétiques de barrages et réchauffement climatiques, le Mékong pourrait être le premier fleuve à disparaître sur terre.
Victime du double impact du réchauffement climatique et de la construction frénétique de barrages hydrauliques, le Mékong s’assèche, les poissons meurent, les récoltes de riz s’amoindrissent et les populations migrent.
« Les gouvernements du Mékong ne réagissent pas assez vite pour comprendre la crise qui s’annonce et pour travailler ensemble afin d’atténuer les risques et d’améliorer la résilience du fleuve ».Brian Eyler, directeur du programme Asie du Sud-Est au Stimson Center de Washington
Vite car le mekong se meurt de l’homme et de ses projets…
60 millions de personnes dépendent du Mékong (et de ses affluents) et doivent se partager ses ressources.